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Lanceurs d'avenir : quand les collaborateurs amènent leur engagement environnemental au travail

 

Depuis 2022, le club Digital. for Good propose un espace d’échange et de partage d’expérience pour mieux comprendre comment le digital dialogue avec le développement durable dans les entreprises et identifier des leviers de performance.

 

Sobriété numérique, éco-conception, économie des ressources, finance durable, numérique responsable, transition vers des modèles plus vertueux, IA au service de l’environnement… le club Digital. for Good s’intéresse, plus largement, aux initiatives qui permettent de façonner demain.

 

Au programme de ce nouveau débat : Comment des experts de domaines tels que le numérique, la data, l’agile se saisissent du sujet environnemental et parviennent à l’inscrire dans leur engagement professionnel, contribuant ainsi à la transformation de leur entreprise ?

Avec, pour nous en parler, cinq personnalités inspirantes :

 

  • Mihaela Constantinescu, Société Générale, Stream Leader – Programmes de transformation
  • Clément Feltin, EDF, Ingénieur données et énergies bas carbone – Audit interne et risques
  • Ema Hobjila, L’Oréal, IT&Tech Responsibility Lead for Europe 
  • Olivier Servoise, ENGIE, Directeur du numérique responsable
  • Vincent Villet, Publicis Sapient, Expert numérique responsable

Et la facilitation de Clémence Knaébel, directrice conseil développement durable chez Publicis Sapient.

 

Du déclic personnel à, pour certains, une fonction officielle, leur parcours diffère mais tous ont en commun une conscience aiguë des enjeux environnementaux et l’envie de faire bouger les lignes. Retour sur les engagements, les obstacles rencontrés mais aussi les accomplissements pour mobiliser, autour d’eux, salariés et dirigeants dans un effort collectif de transition.

Étape 1 : Tout commence par… une prise de conscience

 

Changement climatique, destruction des écosystèmes, effondrement de la biodiversité… Les défis environnementaux sont nombreux et nécessitent, pour changer la donne, un engagement à tous les niveaux. Dès lors, les entreprises ont un rôle à jouer : si elles font partie du problème en raison de l’impact de leurs activités, elles font aussi partie de la solution. À condition de repenser leur modèle économique et, en amont, d’impliquer l’ensemble de leurs parties prenantes pour parvenir à concilier performance et impact.

 

Or, comment opérer cette transformation ? Selon la Harvard Business Review, il suffit de 10 % de collaborateurs pour changer toute l’entreprise. Des collaborateurs dont, bien souvent, l’engagement s’est d’abord forgé en dehors du cadre professionnel.

 

Ema Hobjila évoque ainsi un dessin animé de son enfance, « Captain Planet », qui a, très tôt, semé les graines de ses convictions futures. Vincent Villet et Clément Feltin, des réflexions, articles et conférences, comme celles de l’ingénieur et conférencier Jean-Marc Jancovici spécialisé dans les questions d’énergie et de climat, qui les ont conduits à s’intéresser à ces thématiques. Sans oublier l’importance des rencontres, comme celle de Mihaela Constantinescu qui a été profondément marquée par ses échanges avec Vincent Courboulay, le co-fondateur de l’Institut du numérique responsable. Ou encore l’influence d’études comme celle de l’Ademe, Analyse comparée des impacts environnementaux de la communication par voie électronique (2011), qui a poussé Olivier Servoise à s’intéresser au sujet du numérique responsable.

« C’est un sujet passionnant, avec des milliers de choses à apprendre, à construire et à transmettre. »
Olivier Servoise
Directeur du numérique responsable, Engie

Étape 2 : De la conviction personnelle à l’engagement professionnel

 

Pour nos intervenants, cette première prise de conscience s’est traduite par des changements d’habitudes : éviter de prendre l’avion, prolonger la durée de vie des équipements, éteindre la lumière, mettre les écrans en veille, etc. Elle a aussi débouché sur l’envie d’aller plus loin en s’engageant, par exemple, dans des associations ou des projets coopératifs. Vincent Villet a ainsi été adhérent à Data For Good tandis que Clément Feltin fait partie de la coopérative de services numériques d’intérêt général TelesCoop. De fil en aiguille, ces convictions ont également commencé à se déployer sur un nouveau terrain fertile : celui de leur entreprise. En étant, le plus souvent, le fruit d’opportunités et d’une appétence à mobiliser leurs pairs pour opérer une transformation durable de l’entreprise.

 

« En 2022, nous avons décidé chez L’Oréal de faire le bilan carbone de notre activité digitale. Nous avons alors réalisé que son impact n’était pas négligeable et qu’il était, en outre, amené à croître. C’est ainsi qu’est né le programme IT&Tech Responsability avec, pour ambition, de découpler l’usage de la tech de son impact environnemental, tout en ayant un impact social positif. Lors de sa création, j’ai levé la main pour en prendre la tête et l’ai progressivement déployé sur l’ensemble de mon périmètre - l’infrastructure à la zone Europe - jusqu’à ce qu’il devienne transverse à tous les métiers. D’un 50 % à l’origine, ce sujet est également devenu pour moi un temps plein tout en étant, désormais, intégré au Management Committee Europe », explique Ema Hobjila.

 

Pour Olivier Servoise, le cheminement vers un poste intégrant pleinement les enjeux environnementaux s’est également opéré en interne. En participant à un groupe de travail qui visait à constituer des centres d’excellence, il dessine en effet les contours de ce qui deviendra plus tard la Direction du numérique responsable d’ENGIE : « C’est un sujet passionnant, avec des milliers de choses à apprendre, à construire et à transmettre », souligne-t-il.

« J’ai utilisé ce temps pour former et sensibiliser mes collègues. Petit à petit, l’entreprise s’est forgée une conviction forte sur les enjeux environnementaux, au point de développer une expertise dans l’éco-conception de services numériques et de créer un poste – le mien – dédié au numérique responsable. »
Vincent Villet
Expert numérique responsable, Publicis Sapient

Étape 3 : Impliquer et mobiliser l’ensemble des collaborateurs

 

Là encore, à chacun sa méthode. Parmi les leviers cités pour transformer l’entreprise de l’intérieur :

 

  • Inviter des experts externes qui travaillent sur les problématiques environnementales pour provoquer des échanges, susciter des réactions et ouvrir les esprits sur les enjeux RSE et leur intégration au sein de l’entreprise. « J’ai invité une start-up qui utilise la modélisation de données pour réduire l’impact lié à l’organisation des espaces professionnels, explique Mihaela Constantinescu. Cela a provoqué beaucoup de réactions positives et de réflexions en interne pour savoir comment nous pourrions optimiser notre environnement de travail ».

  • Préempter des dispositifs existants, à l’instar de Vincent Villet qui est parvenu à concilier ses compétences de data scientist et ses engagements environnementaux au sein de Publicis Sapient en capitalisant sur le Knowledge Exchange Day. « Il s’agit d’une journée de formation et de partage de connaissance qui avait lieu, en interne, tous les mois et que j’ai utilisée pour former et sensibiliser mes collègues. Petit à petit, l’entreprise s’est forgée une conviction forte sur les enjeux environnementaux, au point de développer une expertise dans l’éco-conception de services numériques et de créer un poste – le mien – dédié au numérique responsable. ». 
« Les collectifs permettent de faire vivre ces sujets dans la durée et de déployer des actions transverses qui, parfois, peuvent entraîner des changements structurels. »
Clément Feltin
Ingénieur données et énergies bas carbone – Audit interne et risques, EDF
 
  • Utiliser les ressorts de la gamification pour transmettre des informations de manière ludique. En réponse à la crise de l’attention, liée à une surabondance de contenus, Olivier Servoise a misé sur le jeu pour toucher un large public. « Nous avons conçu Carbline, un atelier ludique qui propose aux participants de classer des facteurs d’émission dans l’ordre croissant en reprenant le principe du jeu de société Timeline. En parallèle, nous avons créé un dispositif plus ambitieux de serious alternate reality game dans lequel les messages clés à retenir sont ceux qui permettent de progresser en résolvant des énigmes. Par le biais du jeu, nous avons réussi à capter l’intérêt des collaborateurs qui sont même venus me demander s’il y aurait une saison 2 ! ».

  • Créer et animer un collectif de salariés connecté au réseau de professionnels-citoyens LES COLLECTIFS. C’est ce qu’a fait Clément Feltin quand il était chez RTE en co-fondant « Résilients Tous Ensemble » puis chez EDF en rejoignant « Le Rhisome ». Ces collectifs rassemblent des collaborateurs désireux de faire évoluer les pratiques de leur entreprise autour des enjeux écologiques et sociaux. Autrement dit, « ils permettent de faire vivre ces sujets dans la durée et de déployer des actions transverses qui, parfois, peuvent entraîner des changements structurels ».  
 
  • Organiser des Fresques, comme celle du Climat et du Numérique, ou créer d’autres formes de mobilisation en interne pour prendre le temps de réfléchir aux enjeux environnementaux, partager des connaissances, s’interroger sur ses propres pratiques et pousser à l’action. « Bien que ponctuelles, les Fresques sont de formidables outils de sensibilisation », déclare Clément Feltin. De son côté, Ema Hobjila a proposé à des volontaires de devenir des « champions IT&Tech Responsability », un statut assorti d’actions concrètes à réaliser pour impliquer les métiers. « La gamification, les outils de mesure d’impact et la responsabilisation individuelle sont trois leviers qui fonctionnent très bien pour atteindre collectivement les objectifs fixés en matière de réduction d’impact », ajoute-t-elle.
« La gamification, les outils de mesure d’impact et la responsabilisation individuelle sont trois leviers qui fonctionnent très bien pour atteindre collectivement les objectifs fixés en matière de réduction d’impact. »
Ema Hobjila
IT&Tech Responsibility Lead for Europe, L’Oréal

Étape 4 : Faire vivre les enjeux environnementaux dans la durée

 

Après le temps de la sensibilisation vient celui de l’action pour réussir à transformer les entreprises à court, moyen et long terme. Or, le chemin qui y mène est parfois semé d’embûches. Parmi les obstacles, le caractère abstrait des enjeux environnementaux revient souvent. Si les Fresques ou les formations sont des outils de sensibilisation efficaces, comment faire en sorte que les connaissances acquises et l’élan né de ces momentums perdurent ? Rejoindre un collectif est un premier levier pour garder présents à l’esprit ces enjeux et, avec le soutien de la direction, lancer des initiatives transformatives.

 

Un autre levier pour donner envie aux collaborateurs de s’engager consiste, selon Vincent Villet, à rendre concret l’impact des actions. Partant du constat que la problématique environnementale est « facile à comprendre mais aussi facile à oublier car elle est très abstraite », il se lance, avec l’appui de Publicis Sapient, dans la conception d’e-footprint. Cet outil de modélisation en open-source permet, en effet, d’évaluer l’empreinte environnementale des services numériques en intégrant plusieurs parcours utilisateurs. Avec pour finalité de faciliter la prise de décision et de guider les choix d’éco-conception.

 

Plus largement, l’enjeu est aussi de parvenir à dépasser les injonctions contradictoires. Impossible, par exemple, de conserver un smartphone quand la version de l’application ou du système devient obsolète et ne permet plus d’accéder aux applications. « Le défi, résume Mihaela Constantinescu, c’est de trouver le bon compromis entre ses valeurs, l’impact de nos actions et les contraintes exogènes. C’est vrai aussi dans le cadre de l’entreprise. Par exemple, on parle beaucoup de l’IA en ce moment. Or, le choix des projets à développer doit être guidé, selon moi, pas seulement par l’envie d’expérimenter de nouvelles technologies mais aussi par leur adéquation avec les engagements environnementaux qui ont été pris ». 

 

Enfin, pour Ema Hobjila, la clé consiste à adopter une approche pédagogique pour dépasser toute réticence au changement. « Beaucoup de collaborateurs comprennent les enjeux du numérique responsable mais il leur est difficile de changer leurs habitudes dans l’utilisation des outils de travail digitaux par exemple. À moi de les convaincre de l’utilité de ces actions. Dans les faits, j’ai la chance de travailler avec des équipes volontaires et d’avoir de bons relais pour déployer des projets à impact ». 

« Le défi, résume Mihaela Constantinescu, c’est de trouver le bon compromis entre ses valeurs, l’impact de nos actions et les contraintes exogènes. C’est vrai aussi dans le cadre de l’entreprise. »
Mihaela Constantinescu
Stream Leader – Programmes de transformation, Société Générale

Quelques conseils pour passer à l’action

 

Qu’elle soit modeste ou ambitieuse, chaque initiative compte. Nos intervenants en apportent la preuve au quotidien. Animés par la même passion et la même envie de changer les choses, ils contribuent de l’intérieur à la transformation de leur entreprise. Pour conclure, ils livrent de précieux conseils à celles et ceux qui ont envie, à leur tour, d’amener leur engagement au travail pour contribuer à lancer un avenir plus durable :

 

  • Repérer et soutenir les profils qui ont envie de faire bouger les lignes. Pour cela, Mihaela Constantinescu préconise de « leur donner les moyens d’agir en autonomie et de définir les formes d’engagement qui leur correspondent afin, par effet boule de neige, d’embarquer les autres ! ».

  • Rejoindre un collectif ou se rapprocher du réseau LES COLLECTIFS pour en créer un, car le groupe est un facteur de durabilité de la motivation.

  • Définir clairement jusqu’où on est prêt à s’investir car sensibiliser ses pairs sur la prise en compte des enjeux environnementaux demande du temps et peut se faire au détriment d’autres engagements. Pour certains, ce choix se traduit par une reconversion, pour d’autres par un travail à temps partiel permettant de trouver un juste équilibre. Il n’existe pas de parcours type.

  • Se former pour asseoir sa légitimité à parler de ce sujet et être en capacité de transmettre ce savoir dans le cadre professionnel ou universitaire… Mais aussi savoir reconnaître quand on a assez de légitimité sur ces sujets naissants, et oser se lancer.

  • Ne pas minimiser l’impact des actions menées car, mises bout-à-bout, elles contribuent à accélérer la transition des entreprises. Par exemple, « si l’impact environnemental de l’IT semble être minime au regard de l’empreinte carbone totale d’ENGIE, ramené à la valeur absolue de ces émissions, il ne l’est plus », précise Olivier Servoise.

 

En d’autres termes : lancez-vous !